Les astronautes apparurent à l’écran: deux hommes et une femme en combinaison blanche et bleue ornée d’un “A” marchaient sur la passerelle, un casque sous le bras. Ils avançaient d'un pas confiant en souriant aux filmodrones qui tournaient autour d'eux. “Jan Padmore, président du comité exécutif” indiquait le sous-titre sous l’image de l’homme de tête.
“Aujourd’hui, après des mois d’exploration l’endroit idéal pour l’installation de la base lunaire vient d’être choisi. Le comité exécutif a approuvé le projet à l’unanimité et prit la décision de se joindre personnellement à l’équipe technique afin de poser symboliquement la première pierre de l’installation” commenta la journaliste. “L’équipage mènera la navette…”
“Nulle part” dit Dinesh d’un ton sarcastique avant de couper le stream. “Même s’ils y comprenaient quelque chose, cette bande de singes n’est pas équipée pour ça” Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait parlé si fort. Maintenant le technomancien qui était en train d’inspecter le système de navigation du centre de contrôle s’était retourné et le dévisageait avec insistance. “Tu veux ma photo?” grommela-t-il. “Occupe toi du check-up, on décolle dans 2 minutes”.
Dinesh s’installa confortablement dans le siège du pilote et sentit le frisson familier lorsque le connecteur du système de navigation s'insèra dans son port cervical. L’instant d’après il glissa dans le néant.
C’était difficile de s’y habituer. Se réveiller et prendre conscience que son corps avait changé, Maintenant il avait des moteurs à la place des jambes et des humains s’agitaient dans son estomac. Et c'était tout aussi déroutant la dixième fois que la première. Quelque part, très loin dans la salle où se trouvait son autre corps quelqu’un annonça que tout était au vert. Dinesh le sentait déjà: les milliers de capteurs de son corps métallique lui disaient que c'était prêt. La fusée frémissait d'excitation.
Il donna l’ordre d’évacuer le pas de tir et se prépara à décoller. Les instruments signalèrent l’alignement avec le vecteur de décollage, et tel un athlète se lançant dans la course il poussa à fond les moteurs. L’ascension était d’abord lente et pénible alors qu’il donnait tout ce qu'il avait pour arriver à soulever son poids titanesque. Puis, tandis qu’il s’éloignait de la terre, il se sentit accélérer. Quelque part après la couche de pollution il perdit le premier étage de son booster qui retourna gentiment se poser au sol. Les équipes techniques d'Atlas l'attendaient sans doute déja en bas. Quelques minutes plus tard la navette se détachait du porteur et il était libre de voler vers la lune.
Il vérifia l’état des humains à l’intérieur: leurs fréquences cardiaques étaient dans l’ensemble élevées mais tous étaient en bon état. Il s'assura que la trajectoire était toujours correcte. N’ayant pas grand chose à faire avant l’approche, il laissa líntelligence artificielle prendre le relais et retourna dans son corps fait de chair et d'os dans lequel son cerveau était enfermé.